Tenzin et Yangchen, réfugiées tibétaines à l’ineffable sourire
15 septembre 2020Le rituel
29 septembre 20207h, ce matin. Il ne fait plus tout à fait nuit, mais pas tout à fait jour non plus dans les vignes de Baixas. Juste assez de luminosité pour apercevoir le chemin et savoir où l’on pose ses pieds…
Le monde n’est pas encore réveillé. Même les oiseaux ne semblent pas sortis de leur sommeil. Au loin, le soleil s’annonce par une douce lumière rougeâtre. Et soudain, l’astre, d’un rouge écarlate, sort de l’horizon et monte lentement dans le ciel.
Je reprends ma marche. Mon pas est rapide, à l’image des pensées qui se bousculent dans ma tête, créant un brouhaha indescriptible. Je n’essaie pas d’arrêter leur flux ni de me fixer sur l’une d’elle. Elles veulent sortir et bien, qu’elles sortent !
Un bruit d’herbes froissées sur ma gauche me ramène à la réalité. Deux lapins sont en train de détaler. Je ne vois d’eux que leur petite queue blanche qui à chaque saut, sort des herbes folles comme un diable de sa boite.
Au fil de la marche, mon esprit se calme. Je grappille ça et là quelques grains de raisin gorgés de sucre. Je n’étais pas revenue dans les vignes depuis le confinement. On néglige souvent ce qui nous est essentiel, happé par le quotidien et ses obligations… On oublie vite que le bien-être est à portée de mains, à portée de pas…
En apparence, rien n’a changé et pourtant, tout est si différent. Les vignes sont arrivées à maturité, la végétation a envahi les allées, le ruisseau s’est tari, terrassé par les chaleurs estivales.
J’emprunte le même circuit qu’en avril dernier. Au sol, des amandes m’appellent. Amères, pas amères ? Il suffit de casser une coque pour vérifier que la graine est savoureuse à souhait. Quelques pas plus loin, ce sont des figues qui s’offrent à ma vue… et à mon palais ! Tombées sur des pierres, elles ont séché au soleil et sont savoureuses à souhait. En me lançant sur le chemin, je ne pensais pas prendre mon petit déjeuner, mais quel bonheur !
Au bord des vignes, des ceps morts qui feront le bonheur des amateurs de barbecue et une terre retournée par endroits qui signale le passage de sangliers toujours aussi invisibles. Sur les bas-côtés, les mûres ont remplacé les asperges sauvages. Le soleil continue son ascension sans se soucier de ce qui se passe plus bas. Il donne aux feuilles de vigne jaunes et rouges un éclat particulier et cet aspect fascinant de guirlandes multicolores.
Mes idées s’organisent. Les plus futiles, les plus inutiles se sont envolées. Ne restent que les plus importantes, celles qui pourront donner vie à des projets. La marche a ce pouvoir extraordinaire de remettre les choses à leur place, de clarifier l’esprit. Elle permet de s’aligner, de se relier aussi bien à la terre qu’au ciel. Merveilleuse expérience que de vivre l’agitation des premières enjambées et la sérénité des derniers pas, que d’observer comment on passe de soi à l’extérieur de soi, du monopole de l’esprit à l’utilisation de tous les sens. Etonnante (re)découverte que de voir l’inspiration jaillir une fois le corps et l’esprit apaisés.
Six kilomètres plus tard, j’ai trié le réaliste de l’utopiste, l’essentiel de l’accessoire, l’urgent du facultatif et je suis prête à mettre par écrit la grande aventure de ma vie.
Marcher et regarder le monde se réveiller. Marcher et sentir son esprit se poser. Marcher et s’émerveiller. Marcher et se sentir respirer. Viva la vida !