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Un matin d’hiver sec et froid, un petit village de campagne encore endormi et, proche de l’église, une vieille cabine téléphonique reconditionnée en bibliothèque participative. Sur les tablettes laissées en l’état, des livres offerts plutôt que jetés à la déchetterie. Des gros, des minces, des grands, des petits, des romans, des manuels d’école, des ouvrages documentaires, des recueils de recettes… Il y en a pour tous les goûts. Et, comme « le hasard est plus malin de nous tous, il a tout prévu », l’un d’eux m’est particulièrement destiné ce matin-là, dans cette cabine-là. Comme à chacune de mes incursions dans ce lieu devenu mémoire universelle. Effectivement, un livre attire mon attention ou plutôt son titre, « L’herbe d’or ». Pas seulement pour le mystère qu’il renferme à lui seul, mais pour l’illustration d’un navire en perdition qui lui est adjointe … Association antinomique à priori qui attise de suite ma curiosité. Sur la quatrième de couverture, aucun résumé. Juste le commentaire d’un journaliste du Figaro. « Lisons cette captivante Herbe d’or comme un conte de Noël, très triste et très beau, où l’amour, malgré les apparences qu’il peut prendre, est dans tous les cœurs. Bien que, par pudeur, il ne dise pas son nom. » Il n’en faut pas plus pour me convaincre de le lire. Dans l’église où je m’assois quelques instants pour me recueillir, le livre m’appelle de nouveau. En tournant les pages sans m’attarder sur l’une d’entre elles en particulier, je tombe sur une lettre manuscrite datée d’un 18 janvier sans précision d’année. Elle dit ceci…

Lettre d’amour

« Et pourtant, je t’aimais… 

Oui, je t’aimais et j’ai été ce capitaine de l’herbe d’or qui a bravé les pires tempêtes pour tenter de vivre cet amour. Mais la passion n’a pas suffi. Les éléments ont eu raison de notre amour. Nous nous sommes aimés, nous nous sommes déchirés, dans l’incapacité totale de trouver un équilibre et une harmonie mutuels. Quand la tempête retombait et que le calme revenait, nous croyions pouvoir recommencer. Et nous recommencions, oubliant les affres qu’elle nous avait fait vivre, jusqu’à nous retrouver de nouveau ballotés, malmenés, maltraités par des vents contraires.

Alors aujourd’hui, je suis venu te dire adieu. Je t’avais promis d’écrire un livre sur ces amours impossibles que d’aucuns nomment histoires karmiques. Je t’avais promis de te le dédier, ultime reconnaissance de chemins parallèles parcourus à deux mais qui jamais n’ont pu se rejoindre. Je t’avais promis… Mais comme le dit André Gide, « La promesse de la chenille n’engage pas le papillon ». Nous avons grandi. De chenilles, nous sommes devenus papillons. Il est temps de refermer le livre de cette histoire à la fois douloureuse et salvatrice. Chemine en paix mon doux compagnon de voyage intérieur. Et trouve dans ce livre les racines de l’Union sacrée, celles du véritable Amour. »

Emotion

Je suis toujours dans l’église, assise sur un banc. Devant moi, autour de moi, rien n’a bougé. Le retable en bois doré à la feuille, comme les nombreuses statues d’anges et de saints. La lettre toujours entre mes mains, il me semble ressentir l’émotion de son auteur. Il a visiblement choisi chaque mot avec soin et l’a écrit sur la feuille blanche avec tout autant d’application. Je pense au, ou à la, destinataire de cette lettre. L’a-t-il ou l’a-t-elle lue ? Je la replie et la remet là où je l’ai trouvée, à la dernière page du livre et je me remets en route en pensant à ses derniers mots : le véritable Amour…

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