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Jeanne Bastoul, l’écriture en exutoire, une expo pour mémoire

Un jour d’automne 2019. Le téléphone sonne. Au bout du fil, une voix douce, un peu hésitante. « Bonjour Madame. J’aimerais écrire ma vie. J’ai commencé à réunir des bribes de souvenirs, mais je ne sais pas comment les organiser. Vous pourriez m’aider ? » Jeanne Bastoul a eu mon contact par sa fille qui l’a trouvé sur le site NPI (Nègres pour inconnus), un réseau de biographes familiaux dont je fais partie.

Nous décidons de nous rencontrer chez elle, à Perpignan. Elle habite une petite maison dans le quartier du clos Banet.  Une vraie maison d’artiste comme on ne pense pas en voir en plein lotissement. Avec un potager devant, un poulailler derrière, un atelier de peintre au rez-de-chaussée et une cuisine ouverte sur l’extérieur par une grande baie vitrée à l’étage.

Pour ce premier rendez-vous, je sens Jeanne inquiète. Elle a peur de me déranger, de ne pas être à la hauteur. Elle commence à me raconter. Des informations basiques. Son âge, sa région d’origine, sa profession…

Les minutes passent, elle s’enhardit, évoque les trois lymphomes qui, tour à tour, ont attaqué son cerveau. Puis elle revient à sa vie, aux trois deuils qu’elle n’a jamais réussi à faire. Intuitivement, je fais le lien entre ses cancers et les disparitions dont aujourd’hui encore, elle a tant de mal à parler. Trois deuils, trois lymphomes. Trois lymphomes, trois deuils. Son émotion est palpable. Son désarroi également. Elle me demande une pause et se roule une cigarette. « Surtout, ne le dites pas à mes enfants, ils veulent que j’arrête ! », me confie-t-elle le visage taquin. Elle va chercher un bougeoir, allume une bougie et approche sa cigarette de la flamme avant de prendre une profonde bouffée. Ce sera notre rituel lors des séances qui suivront.

Peu à peu, son visage se détend. Elle ne se sent plus en danger, comme si d’un coup un lien imprescriptible s’était noué entre nous. Avec précaution, à mots choisis, je lui propose d’écrire d’abord sur ses deuils non faits avant de se lancer sur sa vie. Elle sourit, soudain soulagée. « Je n’y avais pas pensé, mais oui, faisons comme ça. »

Les séances d’après, Jeanne travaillera sur ces parties de sa vie qu’elle avait occultées pour survivre. Elle pleurera, souvent, beaucoup, en voyant les mots s’imprimer sur la feuille blanche et dire toute la souffrance qu’elle n’avait pu exprimer. Et quand tous ces deuils ont eu fini de remplir son cahier, elle n’a plus ressenti le besoin de parler de sa vie. Notre collaboration n’avait alors plus lieu d’être.

Reste aujourd’hui cet incroyable lien d’amour qui me fait écrire aujourd’hui. Car Jeanne ne peut se réduire à sa vie, aux événements douloureux qui l’ont jalonnée. Jeanne, c’est avant tout une femme merveilleuse qui a su donner aux autres, voir la beauté en tout, et peindre l’indicible comme la réalité. Toutes ces toiles, toutes ces huiles qu’elle a cachées toute sa vie durant, elle vous propose de les découvrir le dimanche 11 octobre, de 9h à 12h et de 14h à 19h, dans sa maison située 7 rue des Gabriel, à Perpignan. Parce que la beauté ne peut se garder pour soi, parce que l’échange est depuis toujours la base même de sa vie. Elle qui, comme elle dit, a « la chance extraordinaire d’être entourée d’une famille aimante », veut aujourd’hui partager avec vous une philosophie de vie qui se résume en une phrase : « Laissez l’amour circuler dans votre vie »

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