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On a tous quelque chose en nous d’Alphonsine…

Pour préserver son anonymat, je donnerai à mon héroïne du jour le prénom d’emprunt Alphonsine… Ce portrait, je l’ai commencé il y a plusieurs jours déjà, mais je n’arrivais pas à le finir. Normal, cette femme et moi, nous ne nous étions pas vraiment rencontrées…

Quand Alphonsine arrive dans la chambre, je perçois d’abord sa rigidité. Une petite femme menue, aux traits du visage sévères, très jolie et très polie au demeurant, mais fermée, en tout cas ce jour-là, et visiblement habituée à mener son monde à la baguette. Les jours suivants ne feront que confirmer ma première impression. Toujours à se plaindre. De la nourriture, du personnel qui n’arrive pas à la seconde où elle appelle, des colis qui ne sont livrés que le soir… Toujours à vertement alpaguer la moindre personne qui entre dans la chambre. Et à téléphoner dix fois par jour à son mari pour raconter ses malheurs. Incapable de regarder autour d’elle les pathologies autrement plus graves que la sienne. Elle ne s’en prend jamais à moi, mais sa négativité permanente me pèse. A 78 ans, être incapable de relativiser à ce point me dépasse. Pourtant je sens derrière l’armure, une femme hypersensible. Preuve en est le pain confectionné par son mari qu’elle partage avec moi chaque matin…

Effet miroir

Au fur et à mesure des jours qui passent, je me demande ce qui m’agace à ce point chez cette femme. Sa psychorigidité ne ferait-elle pas écho à la mienne ? Certes, chez moi, elle ne s’exprime pas de la même façon, mais elle me pollue la vie tout autant que pour Alphonsine. A partir du moment où l’on se pose ce genre de question, on a la réponse induite… Arrive alors le dimanche de la fête des mères. Jusque-là, nous cohabitons sans véritablement échanger. Alphonsine reste dans sa colère et moi dans mon agacement. Pour fuir l’ambiance pesante de la chambre, je descends au jardin puis je remonte avec un brin de jasmin que je compte bien mettre sur ma table dans un verre d’eau. Mais voyant Alphonsine si malheureuse assise sur son lit et pensant sans doute à ma maman, je lui offre mon petit brin de fleur. Je n’oublierai jamais la joie qui a soudain illuminé son visage. « Je peux vous embrasser ? », me demande-t-elle la voix pleine d’émotion. Nous nous serrons dans les bras. Moment de réconfort mutuel en ce jour où l’on est normalement entouré de ses enfants… Mais la vie qui, on le sait tous, se charge de nous remettre les idées en place, n’en a pas fini avec Alphonsine en ce dimanche….

Leçons de la vie

Un peu plus tard dans la journée, elle s’aperçoit avec grand désespoir que son téléphone ne se recharge plus. Avant qu’il ne rende définitivement l’âme, elle a juste le temps d’appeler son mari et de le supplier de venir la chercher. Sans plus aucun moyen de communication avec l’extérieur, elle panique complètement. Je lui propose spontanément d’utiliser le mien. Elle semble soudain découvrir que dans un environnement qu’elle considère comme particulièrement hostile, tout n’est pas si noir. Les jours suivants, Alphonsine modifie son comportement, se traite de « gamine », sans pour autant parvenir à chasser totalement son naturel… Pourtant, elle a bel et bien changé. Elle sourit souvent, se moque d’elle-même et surtout, surtout, elle va vers les autres. En fait, elle a ouvert son cœur. Et elle a ouvert le mien au passage.

Si je vous raconte cette histoire de bout en bout, c’est juste pour vous dire que chaque personne que l’on rencontre nous renvoie à des parties de nous-mêmes et que c’est un cadeau de la vie de pouvoir les visiter, dussent-elles être obscures. C’est aussi pour vous encourager à aller toujours au-delà des apparences.

Alors merci Alphonsine, de m’avoir fait prendre conscience de ma propre rigidité et de m’avoir permis de travailler dessus. Et merci pour cette belle amitié née entre quatre murs… d’hôpital !

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